Conséquence de l'électrification des Chemins de fer du Midi conçue par leur directeur Jean-Raoul Paul, exemplaires du savoir faire de l'usine tarbaise des 'Construction
Electriques de France',
les BB Midi constituent une famille d'engins prolifique puisque, des
premières construites au lendemain de la première guerre
mondiale étaient toujours à la tâche plus d’un
demi-siècle plus tard sur le réseau SNCF. Cette
longévité s'explique par la qualité
des choix opérés au moment de leur conception ou, pour
parler savamment, par leur simplicité de conception gage de
l'adaptabilité de l'outil à la versatilité de son
usage. On connaît le cahier des charges fixé par le Midi
à son fournisseur au début des années 1920, au
lendemain de son passage à la tration en courant continu 1500
volts, disposer de locomotives à usage mixte,
nécessaires à la traction des trains sur des lignes
pyrénéennes dont l'armement est léger. D'où le choix de machines à quatre essieux moteursdisposés dans deux bogies attelés qui
portent les organes de traction, l'une des
innovations de leur constructeur consistant à abaisser le pivot de la suspension des bogies
afin d'optimiser leur stabilité dynamique et leur
adhérence. Concernant le look de ces locomotives, on ne peut
qu’être d’accord avec Guy Charmentier qui évoque dans le
livre qu’il leur a consacré, l'apparence spartiate de ces bonnes
à tout faire du rail, mais qui dégageaient "une
impression de robustesse pataude et opiniâtre fort sympathique" .
Dans cet ouvrage, on suit l'histoire un peu compliquée des
différentes séries de BB Midi destinées à
assurer un service mixte ou un service marchandise selon leurs rapports
d'engrenages, donc les différentes modifications qui feront
évoluer certaines de ses locomotives d'une série dans une
autre, voire qui donneront lieu à de nouvelles
numérotations selon leur changement de fonctions.
le livre
de G. Charmentier édité en 1984 par les éditions du Cabri |

Un
extrait de catalogue constructeur vers 1930 (arch. GEC Alstom) |
On peut classer les BB purement Midi en trois lots successifs. La première série, en 1922-1923, voit le lancement des quatre vingt dix machines des séries
E 4000 et 4500. Il s'agit des
premières locomotives construites en France pour la traction en
courant continu 1500 volts. Leurs moteurs et leur appareillage de
commande de conception anglaises inspirés des locomotives du
'North Eastern' ont posé quelques problèmes de mise au
point. La tendance à l'échauffement due à
l'imprécision du montage des moteurs Dick Kerr, la
fragilité des contacteurs à arbre à cames et du
disjoncteur limitent la puissance de ces locomotives à 800 kW au
lieu des 1000 prévus par les CEF, tandis que le manque de
fiabilité du freinage électrique limite leur emploi
à la traction des trains de voyageurs munis du frein à
air. Reste qu'elles ont inauguré la traction
électrique en 1500 v. continu sur le réseau Midi,
notamment sur le transpyrénéen
occidental Pau-Canfranc en 1928. Inspirée ce cette
série de machines, mais débarrassées de leurs
défauts de jeunesse et adaptées à la voie large,
huit E 1000 destinées au réseau de l'Etat espagnol sont
construites par l’usine arragonaise des CAF (Beasain) sous licence CEF. Mais, à partir des années 1950, après
les avoir modernisées, la SNCF décide de les verser au service de manoeuvre en les renumérotant dans les
séries 1500 et 1600.
collection B.
Vandon
De 1928 à 1930, la seconde vague de locomotives est
constituée par la livraison de quatre vingt dix E 4100 dotées d'une transmission à petit
rapport de réduction et de cinquante E 4600 à grand rapport.
Câblées pour le fonctionnement en unités multiples,
dotées cette fois des excellents moteurs M1 mis au point par les
CEF dont une partie fabriquée chez Siemens au titre des
réparations dues à la suite du traité de
Versailles, d'une puissance
de 1100 kW en régime continu (près de 1600 cv.), elles
disposent de contacteurs électropneumatiques fiables et d'un
excellent freinage rhéostatique sur les 4100, très utile sur les lignes de montagne. Ces machines ont
assuré toute sorte de services sur la majeure partie du
réseau français électrifié en continu 1500
v. assurant aussi bien la traction en triplettes entre Vierzon et
Montauban des trains de marchandises de 1800 tonnes de l’axe Paris
Toulouse que celle des trains de vacances dans les rampes
sévères (40 ‰) du transpyrénéen oriental.
Dans les
années 1970, une triplette de 4100 à l'oeuvre dans les rampes du
Puymorens(cl. j. L. Poggi )
De 1932 à 1936, la troisième vague de BB Midi est
représentée par la série des E 4200-4700, une
soixantaine de locomotives construites partie à Tarbes, partie
à Belfort, par 'CEF-Alsthom'. Livrées au moment de
l'électrification des lignes Béziers-Neussargues et
Montauban-Sète, aptes comme les précédentes au
couplage en UM, leur puissance est passée à 1350 kW.
Elles disposent enfin d'un freinage par récupération
efficace ainsi que d'un système d'antipatinage
électrique. Gage de leur robustesse et de leur fiabilité, ces deux séries de machines ont assuré un service en ligne à la SNCF jusque dans les années 1980, notamment sur les lignes pyrénéennes et du Massif Central.
A Urt
(Pyrénées Atl.) vers la même
époque, une 4200 descend un train de soufre du gisement de Lacq
vers Bayonne (cl. J. L. Poggi)
Directement dérivées de la série des 4700 du Midi, les BB-900
sont commandées par l'Etat à la fin des années
1930 dans le cadre du
plan Marquet lancé à l'occasion de
l'électrification Paris Le Mans. Grâce à
une puissance portée à 1500 kW et à l'adoption
d'une transmission élastique, ces machines construites à
Tarbes peuvent tracter des trains de voyageurs à 105 km/h et se
retrouveront en fin de carrière sur les réseaux Sud-Ouest
et Sud-Est de la SNCF. Il en est de même des BB-300
commandées par le 'PO-Midi' dans la perspective de la mise
sous tension de la ligne
Paris-Bordeaux en 1938, des machines qui donneront lieu à de nouvelles
commandes de la SNCF et des chemins de fer belges (série 29 de
la SNCB).
Une E 240, future BB 300 SNCF, commandée par le P.-O. Midi lors de
l'électrification de la ligne Tours Bordeaux (coll. B. Vandon)
L'aboutissement de la généalogie des BB Midi
est
représenté par les cent quatre vingt BB 8000-8100
livrées par Alsthom à la SNCF de 1949 à 1955 pour
l'électrification de la ligne Paris-Lyon. D'une puissance de 2000 kW,
soit
le double de celle de leur ancêtre et de construction
soudée, caisses et bogies, la conception mécanique comme
l'architecture de ces dernières s'inscrit sans équivoque
dans la filiation directe des petites BB Midi, comme dans
l'épopée de la traction électrique en 1500 v.
continu. Mais l'une d'elle fait le lien avec le nouveau mode
de traction adopté par la SNCF au lendemain de la guerre,
l'alternatif haute tension à 50 périodes. En 1951, Alsthom
installe des redresseurs à vapeur de mercure dans la BB 8051,
inaugurant ainsi l'usage des redresseurs statiques sur les
locomotives selon une disposition appelée à de remarquables
développements pour l'électrification ferroviaire en alternatif à
fréquence industrielle. |