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Le mŽtro parisien sous l'occupation


Par J. - F. Picard, d'aprs Jean Robert, 'Notre mŽtro', Argenton s/ Creuse, imp. de l'Indre, 1983 et Jean Eparvier, 'A Paris sous la botte des nazis', Paris, ed. Raymond Schall, 1944


A la dŽclaration de guerre de septembre 1939, sur dŽcision des pouvoirs publics, un certain nombre de dispositions sont prises par la Compagnie du MŽtro Parisien (CMP), l'anctre de la RATP. L'exploitation est suspendue sur certaines lignes, dont celles Žtablies en parties aŽriennes, Etoile - Nation (2 et 6) par crainte des bombardements, ainsi que sur les lignes 11 (Ch‰telet - Lilas) et 14 (Invalides - pte de Vanves). La longueur du rŽseau exploitŽ est rŽduite de 159 ˆ 93 Km tandis que seules 85 stations restent ouvertes sur les 235 en service ˆ l'Žpoque.

La station Madeleine fermŽe pendant la dr™le de guerre (coll. J. Robert)


Le trafic reprend progressivement pendant la dr™le de guerre jusqu'au dŽclenchement de l'offensive allemande de mai 1940. Le 3 juin, le mŽtro subit les effets du bombardement des usines Citro‘n par la Luftwaffe, quai de Javel. La ligne 10 (Porte d'Auteuil - Austerlitz) est brivement interrompue ˆ la station Chardon Lagache. C'est l'exode. Les Parisiens quittent en masse la capitale. Le trafic atteint son Žtiage avec 300 000 voyageurs par jour, le chiffre le plus bas depuis la mise en service du rŽseau quarante ans plus t™t. Suite ˆ l'armistice de juin 1940 et ˆ l'installation du rŽgime de Vichy, Paris se retrouve dans la zone d'occupation allemande. Ds le mois de juillet, l'exploitation reprend sur l'ensemble du rŽseau. A la fin de l'annŽe, les Parisiens ayant regagnŽ leurs foyers, le trafic atteint rapidement plus de deux millions de voyageurs quotidiens. L'heure du dernier mŽtro est fixŽe ˆ minuit moins le quart. 

 


Le rŽseau mŽtropolitain pendant la guerre, surlignŽs en jaune les prolongements mis en service en 1942 (J. Robert)


En fait, le mŽtro s'avre essentiel pour rendre vie ˆ une capitale occupŽe. Les autobus et les automobiles privŽes de carburant, avec la bicyclette et le vŽlo taxi, il devient le moyen de transport privilŽgiŽ des Parisiens. Les difficultŽs matŽrielles, n'empchent pas la mise en service  de nouveaux prolongements en banlieue. En 1942, Pantin (ligne 5), Charenton (ligne 8) et Ivry (ligne 7) sont raccordŽs au rŽseau.  Le trafic atteint bientot son apogŽe, un milliard de voyageurs transportŽs en 1941, 1,3 milliard en 1943. Dans des rames bondŽes les usagers et les troupiers de la Wehrmacht se bousculent jusqu'ˆ ce que l'accs aux voitures de premire classe (il y a alors deux classes dans le mŽtro) soit autorisŽ gratuitement ˆ ces derniers.



Affluence d'occupants dans le mŽtro sous l'occupation (Schall)



Le mŽtro a ŽtŽ la scne de certains Žvnements tragiques. Le 21 aožt 1941, deux mois aprs le dŽbut de l'invasion de l'URSS l'Allemagne nazie, le rŽsistant Pierre Georges ('colonel Fabien') abat un aspirant de la Kriegsmarine sur le quai de la station Barbs Rochechouart. C'est le dŽbut de l'action des partisans FTP contre l'occupant et des reprŽsailles qui s'ensuivent. A partir du printemps 1942 et de l'obligation faite aux Juifs de porter l'Žtoile jaune, seul l'accs ˆ la dernire voiture de chaque rame leur est autorisŽ. L'hiver le mŽtro sert de refuge aux plus pauvres des parisiens privŽs de chauffage, cependant que des inspecteurs de la police Žconomique s'embusquent au dŽtour des couloirs de correspondances pour dŽbusquer les porteurs de valises du marchŽ noir.



Station Blanche : non, ce marchand de bestiaux ne veut pas prendre le mŽtro avec sa vache,
 
il  cherche seulement l'adresse de sa livraison au boucher

      Le mŽtro sert de refuge ˆ une vielle personne frigorifiŽe (coll. Schall)


De nombreuses stations, notamment les plus profondes, ont ŽtŽ amŽnagŽes en abris anti-aŽriens. Certaines d'entre elles ('Maison blanche', 'Place des ftes') sont ŽquipŽes de portes Žtanches et de filtres pour parer au risque d'Žventuelles attaques aux gaz.


               

En 1944, la station Lamarck pendant une alerte (cl. Doisneau, coll. J. Robert)


A partir de 1943, le mŽtro paye des dommages collatŽraux aux bombardements alliŽs, notamment en avril et en septembre sur la ligne 9 ˆ la suite des attaques de la RAF sur les usines Renault de Billancourt. En avril 1944, le bombardements de l'US Air Force sur la gare et le dŽp™t de locomotives de La Chapelle en vue d'entraver les transports allemands ˆ la veille du D-Day, provoque l'effondrement de la vožte de la station CrimŽe (ligne 7) ainsi que de sŽvres dommages aux ateliers de la porte de Saint-Ouen. 

Les ateliers du mŽtropolitain de Saint Ouen aprs le bombardement du 24 avril 1944 (coll. J. Robert)


Au printemps 1944, alors que les restrictions de courant obligent ˆ stopper l'exploitation le dimanche, seize stations sont fermŽes par mesure d'Žconomie. En mai, les Allemands dŽposent les voies de la ligne 11 (Ch‰telet - Les Lilas), l'une des plus profondes du rŽseau pour la transformer en usine d'armement souterraine. Le 12 aožt, au dŽbut de l'insurrection parisienne, le service est entirement interrompu par la grve gŽnŽrale des agents de la CMP,  tandis que le rŽseau est utilisŽ par la RŽsistance, notamment pendant le sige de la PrŽfecture de Police approvisionnŽe gr‰ce ˆ une galerie qui relie son sous-sol ˆ la station 'CitŽ' (ligne 4). Paris libŽrŽ, le service ne reprendra partiellement que le 11 septembre, alors qu'un bombardement allemand sur la Halle aux vins endommage l'accs de la station 'Jussieu'. DŽbut 1945, le mŽtro reprend  l'ensemble de son service. Certaines stations de correspondances ont changŽ de nom pendant la guerre pour des raisons de simplifications, par exemple 'Montparnasse-BienvenŸe'. D'autres sont rebaptisŽes aprs la LibŽration afin de commŽmorer la lutte contre l'occupant : 'Beaugrenelle' devient 'Charles Michels', 'Combat' : 'Colonel Fabien', 'Petits mŽnages' : 'Corentin Celton', 'Marcadet Baligny' : 'Guy Moquet' , 'Bd de la Villette' : 'Stalingrad', 'Champs-ElysŽes' : 'Franklin D. Roosevelt'.  

Vue de la station gare de l'Est en 1947. On note le portillon automatique destinŽ ˆ rŽguler l'affluence sur le quai (coll. J. Robert)